L'homme qui se croyait parfait.

L’homme bien droit d’un air de dédain se retourna…
- " Oui, c’est pour quoi ? "
N’obtenant point de réponse, il réitéra :
- " Pour quoi cette insistance à me contempler ?
Aucun son ne lui parvint, aussi il se lâcha :
- " Pauvre hère comme je vous comprends, en fait.
Vous me découvrez, rien qu’à voir votre tête.
Normal que cela vous donne cet air bête.
Devant une personne aussi parfaite. "
Le silence qui suivi le piqua au vif…
- " Une stupeur légitime, je le conçois.
De tout votre être vous êtes en émoi.
Vous voilà d’un coup, tout figé devant un roi.
Tout envahi par un fulgurant désarroi. "
En écho, un raclement de gorge le stimula…
- " Des questions taraudent votre petit esprit.
D’où une telle perfection aguerrie.
Tout m’est venu d’un combat empli de soucis.
Gagné j’ai, en prenant parfois des vies. "
Aucun retour ne le fit point taire, au contraire…
- " Pour cela j’ai signé en offrant mon âme.
Point n’y serais arrivé, je le proclame.
Sans le diable pour que cesse mon drame.
Être nul que personne jamais n’acclame. "
Un regard étonné l’incite à continuer…
- " Rien pour tous, il me fallait enfin devenir.
De tous, le meilleur, ai pris avant de pourrir.
Qu’importe si pour cela me dois de mourir.
Je partirai dans un grand éclat de rire. "
Le bruit de pas vers lui, alluma comme une nouvelle cartouche…
- " Facile croyez-vous qu’il soit d’être banal.
Dans ce monde, où tout est devenu vénal.
Sans agir la solution n’est que fatale.
On se doit de faire fi de la morale. "
Eole se mit de la partie, ce qui le fit continuer…
- " Pour y arriver j’ai dû tant en écraser.
Que ce soit ma fierté ou, ma liberté.
Derrière moi ai dû tout abandonner.
Comme renier les aimés de mon passé. "
Une main s’approcha de lui, ce qui lui fit rendre les armes…
- " Les remords me consument d’avoir voulu tout.
Pourtant au début n’avais rien d’un vrai voyou.
Un peu envieux de ceux que l’on voit partout.
Si Eros m’avait choisi aurais été doux.
……….
- " Ne me jugez pas trop sur mon apparence.
Mon cœur bat encore sans un goût de rance.
Si je me courbe, de moi va fuir la chance.
Ignorer l’Autre, il faut… je m’en balance.
………. Il soupira et, ses yeux brillèrent……….
- " Suffit de parler en alexandrins, juste pour faire bien… Je cesse ces âneries qui ne me rendent même pas malin.
Pardon, pardon…
Je suis maudit… !
Maudit d’avoir voulu être connu… reconnu.
Ce n’est pas moi.
Je triche pour survivre dans ce monde où tous écrasent l’Autre sans vergogne.
Pour devenir cet être où je ne me retrouve même pas… j’ai fait tant de mal autour de moi.
Pardon… est-ce suffisant, je ne le crois pas…
Ma famille, j’ai renié mes ancêtres qui à mes yeux n’étaient pas dignes de moi. Quel être vil, suis devenu… toutes ses années à courir après l’impossible… pour finir là, sur ce trottoir sous votre regard… vous me jugez et, que voyez-vous…
Un être qui ne sait que se tenir droit et, fier… méprisant tous ceux qui croisent son chemin… qui se croit riche d’une puissance hors du commun…
Alors, que je ne suis qu’empli de vide et, de remords.
Pourrai-je réparer ce que j’ai fait… je crains que non.
Je voulais réussir ma vie et, je n’ai fait que la gâcher à passer tout à côté de la Vérité.
Celle que je sens en moi, qui malgré tout me fait encore vibrer…
Celle de savoir donner.
Celle de savoir aimer.
Je suis damné.
Faîtes de moi ce qui vous plaira… je sais que mon heure est arrivée…
Allez-y… je vous suivrai sans broncher.
Ah, si je pouvais changer ce que j’ai fait…
Il t’a envoyé me chercher pour que je comprenne les erreurs de ma folie…
J’ai compris et, j’ai perdu…"

A ce moment-là :
- " Non, Monsieur… rien de tout cela, je voulais juste récupérer le journal que vous avez pris à mon papa… par erreur… sur la table du café… là-bas…"
Le petit garçon lui montra du doigt, le café au coin de la rue un peu plus loin…

Il tendit le journal au petit garçon… qui le remercia avec un grand et, beau sourire…
Et, l’on vit un homme dans un beau costume le dos courbé avancer lentement versant de chaudes larmes… qui tombaient sur ses beaux souliers…

FIN
C.DdeB
© Tous droits réservés.
Catherine Deschamps de boishébert